vendredi, mars 30, 2007

Est-ce votre passion ?
Il me posa la question brutalement. Désarçonnée, je ne sus que répondre. Je bafouillai « enfin, ça m’intéresse… ». Mais à cet instant, je réalisai que la critique de la littérature m’ennuyait. Pendant des années, j’avais dévoré les livre, je les avais dégustés, savourés, avalés, jusqu’à l’indigestion. Ce qui me passionnait à l’adolescence avait peu à peu disparu. La liberté d’interprétation, la créativité, la licence à laquelle j’avais droit alors avaient fait place à un étau dans lequel je me sentai enserrée. La découverte des codes littéraires, loin de me permettre de décupler le plaisir, avait étouffé mes sensations, obsédée que j’étais par l’idée de ne pas rater LA référence ou métaphore, LE passage crucial, ce que les autres auraient tous vu et dont ils discuteraient entre eux d’un air entendu à la séance suivante. S’il m’arriva d’être intéressée par certains articles critiques, c’est que le style humble de l’auteur m’avait invitée à prendre son interprétation pour ce qu’elle était : une façon d’ouvrir des perspectives, de penser le texte autrement. Mais toutes ces interprétations ne savaient jamais transcrire la puissance du texte, sa profondeur, l’écho qui résonne en nous, la palpitation ressentie. Ce qui le rend vivant, c’est l’appropriation que nous faisons de ce livre qui exprime nos tourments _ mettant, en somme, des mots sur nos maux_ ou nous donne à rêver une vie idéale _ pansant alors nos plaies. Il finit par faire partie de nous-mêmes, échappant ainsi à son auteur, le souvenir de cette œuvre rattaché à une période de notre vie, ou son contenu mêlé à notre mémoire.

samedi, mars 17, 2007

Je restai plantée devant la porte. Je me revoyais deux ans auparavant, presque jour pour jour. Mais alors qu’à l’époque débutait notre relation, c'en était à présent la fin. Il le comprit lui aussi. Longtemps je vis sa silhouette dans mon rétroviseur. A quoi pouvait-il bien penser. Je sus à cet instant précis la douleur insoutenable et irréparable.
Claude Simon disait que dans ses romans il n’a jamais parlé que de lui-même. Tous les écrivains feraient-ils finalement de l’autofiction?
J’ai cette impression qu’en effet l’écriture est la délivrance d’une réalité personnelle. Que l’on crée des personnages d’un autre sexe, qui semblent avoir un passé bien loin du sien, qu’on finisse par croire en leur autonomie et en leur existence propre, ils n’en demeurent pas moins des êtres virtuels dont la psychologie a été pensée par leur auteur. Le travail de projection, d’empathie, aussi réussis soient-ils, ne font cependant que transmettre le ressenti de l’écrivain. Ce travail rejoint parfois une réalité vécue, ou plutôt ressentie dans une situation réelle, par un autre. C’est ainsi ce qui est arrivé à Claude Simon, qui a un jour reçu une lettre dans laquelle un lecteur lui avouait que le récit fait de la mort du Capitaine de Reixach dans La Route des Flandres était celui de la mort de son propre capitaine alors qu’il servait lui-même en tant que soldat durant la Seconde Guerre Mondiale. Les interventions contradictoires de l’auteur au sujet de cette lettre, si elles posent la question de la véracité des faits, permettent cependant de réaffirmer l’importance de la part d’autobiographie dans l’œuvre littéraire.

mardi, mars 13, 2007

Parfois, en prononçant les mots, on s’aperçoit de leur inconsistance. On s’est séparés. Alors même qu'on ne vivait pas ensemble. Alors même qu'on n'a jamais eu l'impression de ne former qu'une seule et même entité, mais qu'au contraire, on est toujours restés deux. Deux personnes distinctes, qui ne se comprennent pas, qui se cherchent, se reniflent, sans se trouver (sauf à de rares et brefs moments).