Est-ce votre passion ?
Il me posa la question brutalement. Désarçonnée, je ne sus que répondre. Je bafouillai « enfin, ça m’intéresse… ». Mais à cet instant, je réalisai que la critique de la littérature m’ennuyait. Pendant des années, j’avais dévoré les livre, je les avais dégustés, savourés, avalés, jusqu’à l’indigestion. Ce qui me passionnait à l’adolescence avait peu à peu disparu. La liberté d’interprétation, la créativité, la licence à laquelle j’avais droit alors avaient fait place à un étau dans lequel je me sentai enserrée. La découverte des codes littéraires, loin de me permettre de décupler le plaisir, avait étouffé mes sensations, obsédée que j’étais par l’idée de ne pas rater LA référence ou métaphore, LE passage crucial, ce que les autres auraient tous vu et dont ils discuteraient entre eux d’un air entendu à la séance suivante. S’il m’arriva d’être intéressée par certains articles critiques, c’est que le style humble de l’auteur m’avait invitée à prendre son interprétation pour ce qu’elle était : une façon d’ouvrir des perspectives, de penser le texte autrement. Mais toutes ces interprétations ne savaient jamais transcrire la puissance du texte, sa profondeur, l’écho qui résonne en nous, la palpitation ressentie. Ce qui le rend vivant, c’est l’appropriation que nous faisons de ce livre qui exprime nos tourments _ mettant, en somme, des mots sur nos maux_ ou nous donne à rêver une vie idéale _ pansant alors nos plaies. Il finit par faire partie de nous-mêmes, échappant ainsi à son auteur, le souvenir de cette œuvre rattaché à une période de notre vie, ou son contenu mêlé à notre mémoire.
vendredi, mars 30, 2007
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