dimanche, juin 03, 2012

-Pas d’autre nouvelle de ton côté ?
-Non, non. Rien de spécial. Je te tiens au courant, de toute façon.
-Ok. A plus tard, alors.
La voix de mon père s’éteignit dans mon dos et je continuai machinalement à laver la casserole. Je ne parvenais pas à réaliser que je venais de le voir pour la dernière fois. Bientôt, les traits de son visage s’effaceraient de ma mémoire et le timbre de sa voix se noierait dans le flot des souvenirs. Seule une ombre mouvante subsisterait, dont la silhouette décroissante finirait bien par disparaître. Quand mon grand-père était mort, je ne pouvais plus dormir. J’aurais voulu que le temps s’arrête et grave à jamais dans ma mémoire tout ce qu’il était : ses gestes, les expressions sur son visage, le son de sa voix. Chaque jour qui passait nous éloignait plus encore et je regardais impuissante s’effilocher mes souvenirs. A présent, je cherchais désespérément à oublier un être qui était bien vivant. Mais mon père n’était qu’un simulacre d’être humain. Je voyais ses lèvres remuer, je sentais l’odeur de son eau de toilette, j’entendais les battements de son cœur, et pourtant son absence d’humanité me sautait au visage. Derrière les gestes de tragédien et les rires de galopin se cachait un être froid et monstrueux qui prenait plaisir à m’humilier, me rabaisser, me déprécier. Je m’étais souvent rebellée ; parfois, j’avais capitulé. Aujourd’hui, je me protégeais enfin. La porte claqua. De grosses larmes se mirent à couler sur mes joues et je sentis ma main se crisper sur le rebord de l’évier. J’aurais voulu hurler ma haine et mon dégoût ; j’aurais voulu qu’il paye ; j’aurais voulu que le monde sache. Au lieu de cela, il vaquait tranquillement à ses activités habituelles. Peut-être même qu’il l’emporterait au paradis. Qu’est-ce que j’en savais, après tout.

samedi, juin 02, 2012

Cadeau empoisonné

Le papier cadeau me fait mal
Les plis accordéon et les angles droits
Tu les as faits et refaits
Avec cette patience légendaire
Que tu n’as jamais eue avec moi
Je te regardais invisible derrière la vitre

Tu ne m’as jamais vue car j’étais trop petite
Trop bruyante et trop têtue
Trop lointaine aussi
Inatteignable

Alors tu as appuyé bousculé chahuté
Mon cœur
Tu l’as pris battant entre tes mains froides
Comme la lame lancinante du couteau qui l’a lacéré
Encore et encore
Et tu l’as replacé béant dans ma poitrine
Avec un sourire tranquille

Tu ne sauras jamais combien je t’ai aimé
Papa