mercredi, décembre 26, 2012

Longtemps

Longtemps j’ai eu très mal
Je regardais les couples et leurs mains
Les miennes douces pourtant se serraient dans mes poches
Comme je continuais à marcher le long de la Deûle
Mais Noël est arrivé
Le deuxième sans toi
Je ne te cherche plus des yeux
Je ne te reconnais plus dans les rues
Je ne t’appelle plus
Ou presque
Mon cœur s’est arrêté
De saigner
Et ton départ est une cicatrice corolle
Tatouage lumineux que je n’espérais plus

jeudi, décembre 06, 2012

Ad vitam

Il est là
Il m’attend sourire aux lèvres
Dans les draps
Où nous avons refait le monde
Chaque jour qui s’achève est un jour sans lui
Je les compte inlassablement
Pour mieux ressentir son absence
Les heures les minutes les secondes
N'en finissent pas de s'écouler
La soif me reprend et je cherche un peu d'ombre
Mais le désert s’étend à perte de vue

samedi, octobre 13, 2012

Au loup!

Je ne sais pas comment réagir. Je n’étais pas préparée à ça. Je ne sais pas comment réagir, alors je ne réagis pas. Je fais cuire du saumon et des légumes. Et alors que j’enfournais le dernier morceau dans ma bouche, j’ai eu envie de vomir. Je me suis précipitée vers les toilettes et tout est sorti d’un coup. Mon estomac était vidé mais la nausée est restée. Elle ne s’en va pas. Je ne peux pas la faire partir. Aucun médicament ne la soulage. Aucun docteur ne peut la soigner : « Prenez ça et dans quelques jours, vous verrez, il n’y paraîtra plus. » Si, il y paraîtra encore. Il y paraîtra toujours.
Les scénarii se bousculent dans ma tête. J’imagine mon père dans une salle de classe. Il a trouvé un prétexte pour faire rester ce petit garçon un peu plus longtemps. Peut-être qu’il l’a privé de récréation. Mon père me disait souvent qu’il aimait particulièrement les enfants en difficulté. Le petit garçon s’appelle Justin. Il a des problèmes de comportement. Forcément. Il a une vie difficile à la maison. Evidemment. J’imagine facilement le choix de la proie, mais je n’arrive pas à imaginer comment les attouchements ont commencé. Je n’ai pas l’esprit suffisamment tordu pour penser aux mots qu’il a employés pour se rapprocher de lui physiquement. Mon écran intérieur se noircit et je ne vois plus rien. Je ne veux pas, je ne peux pas visualiser les gestes exacts, les positions précises, les regards pervers d’un côté, perdus de l’autre. J’ai une irrépressible envie de hurler. Mais le hurlement reste coincé dans ma gorge, en haut, juste avant de faire résonner la glotte. Il n’en sort qu’un grognement sourd et bref. Les affaires, elles aussi, ont toutes été étouffées. Question de réputation. Question de milieu social. Et puis, il s’agit peut-être d’un geste mal interprété ; d’un enfant affabulateur comme il en existe beaucoup. Un enfant qui crie au loup. Un de plus.

mercredi, août 08, 2012

L'homme qui danse

Tout est clair, à présent, mais rien n’est éclairci. Je suis une enfant perdue. Je me suis longtemps regardée, intriguée, à travers la vitre. Je me suis vue souffrir et lutter, sans succès, jusqu’à l’épuisement. Je voyais des bouts d’action en gros plan. Je voyais des expressions et des marques sur la peau. Je voyais des bras et des jambes. Je me vois aujourd’hui d’en haut. Je vois les chemins que j’ai pris, les détours et les impasses. Les cercles de l’enfer, tracés par mon père. J’ai beau vouloir m’en éloigner, j’ai beau chercher à m’aventurer dans des contrées lointaines, je finis par rejoindre, invariablement, les chemins que je connais. J’ai été programmée à reproduire ad nauseam des schémas imprimés en moi par mes parents. Une vie pour rien, en somme.
Dans la glace, un corps élastique qui suit les variations de l’exercice physique; un visage dont les traits subissent le passage du temps. Je suis la seule à savoir mon cœur meurtri, marqué au fer rouge. Parfois, je mets la main sur ma poitrine pour sentir la cicatrice laissée par le métal brûlant. Elle se manifeste au détour d’une chanson ; je le vois seul, faisant d’une activité partagée un plaisir égoiste et solitaire, les mouvements saccadés de son corps qui suivent le rythme. Personne d’autre n’a jamais compté. Personne d’autre n’a jamais existé en dehors de lui-même. Il me frôle en quittant la pièce. Sur son visage, un sourire diabolique empreint de satisfaction.

jeudi, août 02, 2012

Le lac

Il faisait chaud ce jour-là sur le lac
Et les lumières ne m’impressionnaient pas
Une famille s’était installée sur le banc derrière nous
Les enfants riaient
On s’amuse d’un rien à leur âge
J’écoutais tes arguments ou plutôt
Je me laissais séduire par le son de ta voix
Soudain j’ai oublié que j’étais là
Au bord du lac artificiel
J’ai oublié la végétation inexistante et le bitume qui gâchait tout
J’ai oublié les cloques à mes pieds
J’ai oublié ma voiture qui fuyait
Quand tu as posé tes lèvres sur les miennes

dimanche, juillet 22, 2012

C’était bien lui
Je ne voyais que ses jambes alors
J’étais trop petite
Et lui trop grand
Ses chaussures à bout métallique luisaient
Et quand il s’éloignait un peu
Je filais comme une anguille
Sans me retourner

Dans ma chambre solitaire au papier peint déchiré
Mon refuge
Mon trou à rats
Quelle chance
Vraiment
Quelle chance
Disait Barbie à Ken

Il salissait tout
Barbiturique
Klaus Barbie
C’est drôle
Tu ne comprends pas, c’est tout
L’ut est russe
Et les hommes sont supérieurs
Forcément

Mais mon cœur poignardé
Déchiré
Coule à flots
Et le temps et les gens
N’y changent rien
Tu t’en sors bien
Tu n’es pas comme lui
Mais qui suis-je
Mais qui suis-je

dimanche, juin 03, 2012

-Pas d’autre nouvelle de ton côté ?
-Non, non. Rien de spécial. Je te tiens au courant, de toute façon.
-Ok. A plus tard, alors.
La voix de mon père s’éteignit dans mon dos et je continuai machinalement à laver la casserole. Je ne parvenais pas à réaliser que je venais de le voir pour la dernière fois. Bientôt, les traits de son visage s’effaceraient de ma mémoire et le timbre de sa voix se noierait dans le flot des souvenirs. Seule une ombre mouvante subsisterait, dont la silhouette décroissante finirait bien par disparaître. Quand mon grand-père était mort, je ne pouvais plus dormir. J’aurais voulu que le temps s’arrête et grave à jamais dans ma mémoire tout ce qu’il était : ses gestes, les expressions sur son visage, le son de sa voix. Chaque jour qui passait nous éloignait plus encore et je regardais impuissante s’effilocher mes souvenirs. A présent, je cherchais désespérément à oublier un être qui était bien vivant. Mais mon père n’était qu’un simulacre d’être humain. Je voyais ses lèvres remuer, je sentais l’odeur de son eau de toilette, j’entendais les battements de son cœur, et pourtant son absence d’humanité me sautait au visage. Derrière les gestes de tragédien et les rires de galopin se cachait un être froid et monstrueux qui prenait plaisir à m’humilier, me rabaisser, me déprécier. Je m’étais souvent rebellée ; parfois, j’avais capitulé. Aujourd’hui, je me protégeais enfin. La porte claqua. De grosses larmes se mirent à couler sur mes joues et je sentis ma main se crisper sur le rebord de l’évier. J’aurais voulu hurler ma haine et mon dégoût ; j’aurais voulu qu’il paye ; j’aurais voulu que le monde sache. Au lieu de cela, il vaquait tranquillement à ses activités habituelles. Peut-être même qu’il l’emporterait au paradis. Qu’est-ce que j’en savais, après tout.

samedi, juin 02, 2012

Cadeau empoisonné

Le papier cadeau me fait mal
Les plis accordéon et les angles droits
Tu les as faits et refaits
Avec cette patience légendaire
Que tu n’as jamais eue avec moi
Je te regardais invisible derrière la vitre

Tu ne m’as jamais vue car j’étais trop petite
Trop bruyante et trop têtue
Trop lointaine aussi
Inatteignable

Alors tu as appuyé bousculé chahuté
Mon cœur
Tu l’as pris battant entre tes mains froides
Comme la lame lancinante du couteau qui l’a lacéré
Encore et encore
Et tu l’as replacé béant dans ma poitrine
Avec un sourire tranquille

Tu ne sauras jamais combien je t’ai aimé
Papa

mardi, mars 13, 2012

A la manière de...

Des milliers et des milliers d’années ne sauraient suffire pour dire
L’horreur de la petite seconde
Où tu t’es effondrée
Où je t’ai rattrapée
Un midi dans la lumière de l’automne
Dans la cuisine familiale
A Looberghe
A looberghe
Sur la Terre
La Terre qui est désastre

lundi, mars 12, 2012

La légèreté, derrière le rideau, s’agite. Ou plutôt, c’est moi qui gigote en l’observant. Aurai-je le courage d’ouvrir la fenêtre pour la regarder en face ?

dimanche, février 19, 2012

Tous les horizons disparaissent les uns après les autres et les enfers s’ouvrent sous mes pieds. J’y tombe en douceur. J’ai toujours cru que ça se passerait de manière terriblement dramatique, au milieu des cris et des pleurs. Mais la réalité est saisissante de silence et de simplicité.

mardi, janvier 31, 2012

Invisible et insidieuse
Elle contamine l’eau que je bois
Tous les jours
Tu l’y as glissée sans remords
Tout le monde fait ça
Enfin voyons
Et je bois en silence
Ma mort goutte à goutte
Sous tes yeux

vendredi, janvier 20, 2012

La baignoire

L’eau du bain noircie
Te rappelle que la vie est longue
Un deux trois quatre cinq
L’eau disparaît mais la crasse reste
Coincée sur la paroi
Tu t’échines mais rien n’y fait
Alors tu fermes la porte de la salle de bains et tu aspires
A une vie meilleure
Mais ils guettent et conspirent dans l’ombre
Ils t’épient des voix s’élèvent
Tu les entends partout
Ils poussent la porte et s’approchent de la baignoire
Où tu es penchée
Le noir laisse place au rouge
Ne t’arrête pas de frotter

mercredi, janvier 18, 2012

La fuite en avant ça te connaît
Costa Rica Argentine Brésil
Tu cours sans te retourner
Les cheveux sur les yeux
Tu as le monde à tes pieds

Il est dix heures dans mon petit appartement