mardi, décembre 30, 2008

Duras, etc

Je viens de voir le film de Dayan. Celui sur Duras. Enfin, celui sur la fin de sa vie, quand elle la partageait avec ce type beaucoup plus jeune qu’elle. Je ne pouvais m’empêcher de penser quelle perte de temps. Parce que les histoires les plus passionnées sont indicibles, ou alors elles se doivent d’être irréelles, et les livres sont les seuls témoins autorisés. Ils se contentent de narrer une vérité subjective et fragmentaire, nous donnant l’illusion du tout. Puis, c’est notre esprit qui décide, qui comble les vides et creux laissés par l’auteur. Par la lecture, nous participons nous aussi au processus d'écriture. Ce film met en scène les blancs imaginés par le réalisateur. Mais voilà, je n’ai pas envie de VOIR Duras vieillir et boire à n’en plus pouvoir. Je veux la LIRE, imaginer son visage "détruit", ses coups de gueule, ses lubies, son corps fripé de vieille femme. L'histoire ne tenant qu'à un fil, qui casse de temps en temps, et qu'on renoue tant bien que mal. La perception du narrateur, des personnages, à fleur de peau. Avec ses détails visuels, Dayan m'a laissée sur ma faim.

lundi, octobre 27, 2008

Mmm.

Fenêtre entr'ouverte, vue trouble, bruits d'une vie nocturne qui n'est pas mienne. Que suis-je censée faire du temps qui reste? Avant les rêves et les cauchemars, les soifs et les tâtonnements, et puis, enfin, l'aurore. Je suis dans un entre-deux, un espace inconfortable et insatisfait. Dois-je attendre? Certains comptent les moutons, d'autres boivent un verre de lait ou de bourbon. Je ne suis pas de ceux-là. Du moins, pas encore.

samedi, octobre 18, 2008

Avec une cigarette anglaise

Dans une jaguar
Ou peut-être était-ce une cadillac
Un homme à l'arrière embrasse
Une femme qu'il n'aime plus depuis longtemps
Et la fourrure glisse contre le cuir beige
Toute en jambes et mains et bouches
Alors que dans l'obscurité scintillent
Les yeux verts qu'il ne voit pas
Les diamants les émeraudes les perles
Et les étoiles à travers la vitre

jeudi, octobre 16, 2008

Les hommes c'est du chinois

La boucle est bouclée
Quatre jours ont passé
Je ne t’aime pas

Sur la plage déserte
Les amours les bleus les traces
De pas qui vont viennent s'effacent
Les temps changent
Mais pas moi
Je pousse la porte de ton cœur
Et celle de tous les cœurs
Je suis prise dans le tourbillon
Et celui-là pourquoi pas
Un autre encore
Et je tombe

samedi, août 09, 2008

Chanson d'Emily

Je m’imagine souvent au bras d’Emily
Je me vois parfois dans les draps d’Emily
Sa peau blanche et sucrée
Sa silhouette épurée
Me donnent le tournis

Emily et ses robes échancrées
Le haut sa peau veloutée
Qui dépasse
Le bas ses chevilles denudées
Qui passent

J’aimerais sentir l’émoi des doigts d’Emily
Quand ils déposent des caresses à l’envi
Je veux savoir ce que ça fait aussi

J’entends souvent la voix sucrée d’Emily
Qui me rappelle les soirs d'été loin d'ici
Et tout un monde oublié de rêverie

mercredi, juillet 09, 2008

Débarras

On tourne la tête et déjà
Les minutes s'empilent,
S'entassent sur les sentiments.
Dans le grenier de mon coeur,
Tu te retrouves enfoui
Parmi d'autres amants,
Parmi d'autres avant,
Parmi les souvenirs et les gens.
Tu es celui qui m'offre des fleurs en 1986
Et aussi à qui j'écris en 1996.
Parfois, tu n'es plus rien,
Plus personne.
Tu es l'ombre d'un souvenir imaginé.

lundi, juin 02, 2008

César

Romy Schneider partagée entre deux hommes me ramène à l’impossible choix. Choisir, toujours choisir. Aimer et s’associer à l’autre. Je ne savais plus si j’en étais capable. Je sentais la présence discrète de M., comme un souffle dans mon cou. Nous étions complémentaires, et je savais qu’il me connaissait bien. Mais G., tremblant et tourmenté, me chamboulait, me bousculait. Il posait sa voix grave sur les choses de la vie. Notre rencontre avait été brève et la complicité instantanée. Je me rappelle parfaitement son regard un peu perdu et son extrême douceur. Et moi… Qu’ai-je fait ? J’ai souri au nom du mensonge et de la fidélité. J’ai souri comme on n’aime pas. J’ai souri et j’ai perdu.
G. avait délicatement effeuillé mes habitudes et mes attitudes. Il avait vaincu, sans arme et sans combat, et je me retrouvais à terre, les yeux écarquillés. Je ne voulais pas comprendre.

vendredi, mai 16, 2008

Je pense à toi mon Loup

A Apollinaire

Ton cœur est ma caserne
Ton âme est ma luzerne
Je m’y repais
Je m’y repose
Je t’y rejoins
Et on cause
Dans le tumulte de la foule
Tu lis sur mes lèvres
Le langage du bonheur
Et le temps retrouvé
Mais je lis sur d’autres lèvres
Désormais

mercredi, avril 09, 2008

Folie

Chloé se mit à tout me raconter : l’alcool, les médicaments, les phases d’euphorie et de désespoir. Et dans le chaos de sa vie, l’écriture comme une nécessité. Elle écrivait sans relâche dans la moiteur des nuits, enfermée dans son studio du 7ème arrondissement, avec pour seul horizon l’étendue de son récit, et pour seuls compagnons ses personnages mystérieux et insaisissables. Les pages de ses romans s’amoncelaient, son esprit déversant ses angoisses, ses préoccupations, ses plaisirs aussi, jusqu’à emplir sa chambre de rêves et de cauchemars. Il me semblait que ce processus était la cause de son mal. Les idées avaient imprégné l’espace et flottaient désormais dans l’air qu’elle respirait. Elle les humait, s’enivrait, puis les régurgitait sur le papier. Elle était prisonnière de ce vertige, de cette fièvre créatrice, entreprise vaine et infinie. J’étais alors totalement étrangère au monde qu’elle décrivait. Des années plus tard, je me sentis basculer moi aussi vers un monde idéel, préférant aux désillusions terrestres l’aliénation onirique.

dimanche, avril 06, 2008

mardi, avril 01, 2008

Elle s’asseya près de lui, la gorge serrée. Ils se tenaient assis dans un Starbucks. Leurs efforts pour trouver un autre lieu de rendez-vous avaient été vains, l’enseigne ayant envahi Manhattan. Cela faisait près de cinq minutes maintenant que le silence s’était installé entre eux. Ne pouvant se résoudre à se faire des adieux, ils s’observaient avec une douceur paisible. J’assistai à ce dialogue sans paroles et je devinai la rare sincérité de leur échange. Il finit par se lever, commença à enfiler sa veste, fit quelques pas en direction de la porte. Elle frissonna, ne pouvant retenir un sanglot. Sa douleur sans paroles l’avait prise au corps. Il ne se retourna pas.

samedi, mars 29, 2008

L'amour dure trois ans

Le moment arriva. Elle lui tendit le livre nonchalamment. Il n’était pas question qu’elle lui donnât la moindre opportunité de s’apercevoir des sentiments coupables qu’elle lui portait. Il eut l’air un peu surpris, et bredouilla un mot de remerciements. Ils échangèrent encore quelques paroles maladroites, puis se séparèrent. Elle le regarda s’éloigner, lui, manteau ample, pantalon sombre, silhouette gracile. Il tourna au coin de la rue. Sans nul doute se rendait-il chez sa maîtresse, une grande brune au teint clair qu’elle avait aperçue en sa compagnie quelques semaines auparavant, alors qu’ils sirotaient un café en terrasse. Qu’allait-il faire du livre, elle ne pouvait que l’imaginer. Il atterrirait dans un coin de son appartement, et serait peu à peu enfoui sous d'autres livres. Il se mettrait à le lire, par curiosité ou juste par habitude, comme ces gens qui veulent faire honneur aux présents qu’on leur fait même s’il s’agit d’un livre qu'ils n'aiment pas trop, et il penserait à elle, d’une certaine façon. Il l’oublierait dans un train, dans un café, dans un parc. Il s’en apercevrait bien plus tard et cet oubli lui apparaîtrait comme un acte manqué, un soulagement, une délivrance. Cette fille ne l’avait pas vraiment troublé après tout.

mardi, mars 25, 2008

Irréel

J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité, dit le poète. Mais quelle réalité ? Celle fugace et impalpable que toi seul connais. Celle du temps qui passe et qui ravage tout. Celle de nos deux âmes perdues en pleine ville, nos yeux, nos bouches, nos voix sur ce quai, nos mains et puis mes yeux, longtemps, toujours. Tu as ouvert, tu as offert, enfin non. Pas vraiment. Pas du tout. Tu as résisté comme un résistant ; je t’ai aimé comme un aimant. Toi ton absence indélébile ; moi ma présence insatiable. Je t’ai perdu le jour même où je t’ai rencontré.

lundi, mars 24, 2008

Tu bois ton café avec la certitude de t’en remettre
D’oublier ce matin-là
Celui où tu n’es pas venu
Celui où j’étais seule dans ce restaurant d’Amsterdam Avenue
J’avais mis un chemisier rose sans trop savoir pourquoi
Peut-être parce que c’était le dernier jour
Alors je t’ai attendu
Une heure puis deux se sont écoulées
Le serveur servait
Les passants passaient
L’heure tournait
J’ai reposé mes couverts
J’ai compté l’argent
Encore et encore
Je me suis levée
J’ai vu ton ombre par la fenêtre
Ce n’était pas toi
Il fallut bien me rendre à l’évidence: les sentiments que j’éprouvais à son égard dépassaient toute raison. Les détails qui le concernaient m’obsédaient. Je pensais avoir capturé l'essence de son être avec ma caméra. Je repassais ces images en boucle, le timbre de sa voix hantait mes nuits. Je me surprenais à rêver sa présence dans ma salle de bains, dans ma cuisine, jusque dans mon lit. Je m’allongeais pour lire et nous nous retrouvions dos à dos. Il quittait parfois son roman des yeux pour observer ma nuque, parcourir mon dos, deviner mes fesses sous la nuisette. Je sentais son regard sur moi et j’étais troublée. Je savais qu’en me retournant je le ferais disparaître, tel Orphée perdant son Eurydice. Je me gardais donc bien de le faire, entretenant dans ma tête l’illusion. D’autres fois, je lui parlais à mi-voix. Et comme dans le rêve familier, lui seul savait me consoler, lui seul comprenait. Il avait mille excuses. Celle de l’homme occupé et lointain, celle de l’homme qui n’a pas de mot, celle de l’homme qui sait déjà. Son silence était ma victoire, signe de notre indéniable complicité.

jeudi, mars 13, 2008

mardi, mars 11, 2008

Alter ego

Je m’étais vue à travers ses yeux l’espace d’un instant et il me renvoyait une image qui m’était étrangère. Cette femme tranquille simple et drôle qu’il aimait à côtoyer je la connaissais si peu. C’était elle qu’il appelait quand il rentrait tard le soir elle à qui il racontait les banalités du quotidien la neige dans la nuit la voiture qui glisse la radio qui grésille. Elle écoutait en hochant la tête attentive et attendrie comme une amie une mère une sœur elle était tout cela à la fois sans pourtant le vouloir elle vivait dans l’instant et à cet instant-là c’était ce qu’il attendait d’elle.
Les jours se succédaient pour elle pour lui mais rien ne se passait comme prévu. Elle avait pensé à se dévoiler s’arrêter un jour se planter devant lui pour lui faire une scène mémorable un truc qui vous prend au corps et qui ne vous lâche plus même après des années d’oubli de tourment d’amertume elle déverserait son flot de paroles enfouies il passerait de la surprise au dégoût ou peut-être à l’amour enfin il écouterait il n’aurait pas le choix et c’était surtout ça l’important surtout ça qui la rendrait heureuse savoir qu’il savait savoir qu’il n’agissait plus par ignorance mais par perfidie froideur calcul il révèlerait sa vraie nature elle en était convaincue mais à quoi bon finalement puisqu’elle partait dans deux jours. Elle sourit plutôt son charme opérait plus que jamais.

lundi, mars 10, 2008

Dernier métro

Je revois ces derniers instants, ils défilent devant mes yeux. Dans ma tête, tout se bousculait, et seul un semblant de rationalité me permettait de ne pas chanceler. J’étais bien résolue à ne pas m’attacher. Comme si on pouvait décider de ses sentiments. Comme si on avait le choix de l’émotion. Comme si, enfin, j’étais de celles qui n’ont jamais lu Pascal ou Racine. Je me souviens de ce jour, à New York, sur ce quai, dans cette station de métro. Une doudoune rouge un peu ridicule, son bonnet qu’il traînait depuis le CP, comme ça, dans son sac ; cette allure de gamin mêlée à un intellectualisme sérieux. Il se tenait debout, impassible, et me regardait parmi le bruit et la foule des passants. Autour de nous s’empressait un joyeux chaos. Une fête s’était improvisée, une jeune afro-américaine semblait célébrer ses seize ans. Elle riait et dansait, une couronne sur la tête, au rythme des tams-tams. Elle avait l’insouciance qui sied à son âge. Le jeu amoureux, duquel on ne pouvait que sortir vainqueur, se résumait alors à une suite d’ondulations et de cambrures. Je m’approchai de lui doucement, et le pris dans mes bras. Je lui murmurai une formule de circonstance, à laquelle il répondit. Il fit un signe de la main, puis disparut. Je ne me retournai pas.