samedi, mars 29, 2008

L'amour dure trois ans

Le moment arriva. Elle lui tendit le livre nonchalamment. Il n’était pas question qu’elle lui donnât la moindre opportunité de s’apercevoir des sentiments coupables qu’elle lui portait. Il eut l’air un peu surpris, et bredouilla un mot de remerciements. Ils échangèrent encore quelques paroles maladroites, puis se séparèrent. Elle le regarda s’éloigner, lui, manteau ample, pantalon sombre, silhouette gracile. Il tourna au coin de la rue. Sans nul doute se rendait-il chez sa maîtresse, une grande brune au teint clair qu’elle avait aperçue en sa compagnie quelques semaines auparavant, alors qu’ils sirotaient un café en terrasse. Qu’allait-il faire du livre, elle ne pouvait que l’imaginer. Il atterrirait dans un coin de son appartement, et serait peu à peu enfoui sous d'autres livres. Il se mettrait à le lire, par curiosité ou juste par habitude, comme ces gens qui veulent faire honneur aux présents qu’on leur fait même s’il s’agit d’un livre qu'ils n'aiment pas trop, et il penserait à elle, d’une certaine façon. Il l’oublierait dans un train, dans un café, dans un parc. Il s’en apercevrait bien plus tard et cet oubli lui apparaîtrait comme un acte manqué, un soulagement, une délivrance. Cette fille ne l’avait pas vraiment troublé après tout.

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