lundi, août 29, 2011

Dans ton œil grand ouvert, mon bras triangulaire apparaît encore quelques instants. Je referme la porte. Je ne veux plus me voir minuscule et déformée, telle une improbable composition géométrique. Je suis une nuée vaporeuse, légère, insaisissable. Je suis un parfum subtil que tu ne connais pas et qui imprégnera longtemps les endroits où tu vas.

dimanche, août 28, 2011

R ester dans la piscine un peu plus longtemps
O u lire des poèmes sans intérêt en 1995
M usarder et se laisser porter par la vague
A merrir puis boire la tasse, sortir de l’eau
I ci ou ailleurs, la France ou le Pérou
N ous avons conquis le monde

samedi, août 27, 2011

Beyrouth, 1976

A Michel

Je vois le lit refait et les livres rangés
Les jouets dans les coffres et les coffres fermés
Les vitres en carton et le sol immaculé

Studieux appliqué
Toujours à ton bureau bien élevé
La plume glissant sur le papier

Mais un souffle fait s’envoler la feuille et les livres bien rangés
Un souffle assourdissant qui a tout emporté
Les jouets et leurs coffres fermés, les vitres en carton et le lit refait

Il ne reste sous les décombres que ton corps ensanglanté
Ton corps d’enfant dans cette chambre dévastée
Et la plume qui glissait sur le papier

dimanche, août 21, 2011

Après

Ton souffle sur mes cils embrumés
Protecteur de mes nuits agitées
Je dormais je vivais j’existais

L’éveil brûlure aveuglante
La chair triste et le cœur hagard
Dont on ne se remet pas

Et cette chambre vide
Où je ne peux plus entrer

mardi, août 16, 2011

Extrait

Allyn n'était pas la première des collègues que j'avais rencontrée, mais elle était la plus emblématique. Petite et enrobée, le visage rond, le nez épaté, elle m'avait immédiatement fait penser à une truie à lunettes. J'avais désespérément essayé de chasser cette image de mon esprit, sans succès. La culpabilité qui s'ensuivit m'avait fait lui porter quelques attentions particulières qui l'avaient convaincue de notre amitié. Je ne détestais pas Allyn. Du moins, pas au début. Elle aimait me parler en français, comme le font les Américains qui l'ont un peu étudié durant leurs années de "College". Elle avait même vécu en France pendant un an et se targuait de connaître l'art culinaire français, en plus de la littérature et de l'art cinématographique, dont le point culminant, selon elle, était le Molière de Romain Duris. Je me suis longtemps demandé pourquoi ce film l'obsédait autant, mais la réalité est des plus simples. Les Américains raffolent des comédies gentillettes leur parlant d'une France aux moeurs convenables. Allyn était une Américaine puritaine qui se confortait dans l'idée d'une France qui aurait arrêté son évolution dans les années 50. Celle de Piaf, des bérets et des baguettes. Celle sans Bardot, sans Gainsbourg et sans pavé. Une France que je n'avais jamais connue que dans l'imaginaire Américain et les récits de jeunesse de ma grand-mère. Peu importe, me direz-vous avec raison. Ce qui me gênait vraiment chez Allyn, c'était sa conscience professionnelle à outrance, cette envie d'être la parfaite "team player", à tout moment, sans répit, avec un positivisme insupportable. Célibataire de 34 ans, sans vie affective ni vie privée (sauf si on compte l'Eglise, les repas avec des mères d'élèves et les ateliers crochet), Allyn vivait par et pour son travail. Ses 250 baklavas faits main pour la fête du lycée me faisaient passer pour une feignasse. Elle était la bonne élève parmi les profs, celle qui sacrifiait tout sur l'autel du Bien Suprême, celle qui ne disait jamais non. Sa tête de truie m'apparaissait parfois en rêve, tantôt se gonflant comme un ballon, tantôt se changeant en monstre à deux têtes dont les yeux vides déversaient des serpents venimeux qui me réveillaient en sursaut.
Je pense à toi, longtemps, toujours. A la terrasse d'un café, dans un parc, je sens ton souffle dans mon cou. Je ne me retourne pas, je prolonge l'instant. Je devine ton visage dans le soir et tes mains. Infinie douceur, souvenir délicieux.
Je me suis assis dans la lumière de l'été pour écrire
Sur les hivers et surtout sur les printemps
Sur tes mains, ta bouche, tes yeux
Et sur tes gestes délicieux
Sur ta robe entr'ouverte et tes jambes découvertes
Mais l'automne se profile
Implacable, impalpable, inéluctable
Le vent se lève, emportant les feuilles
Et notre amour qui se meurt

Au parc Montsouris

Il y a des fleurs fânées et des herbes mal coupées
Il y a des cheminots affamés devant des corps allanguis tout fripés
Il y a des retraitées mal fagotées aux romans sans intérêt
Il y a des poussettes hurlantes de bras et jambes
Il y a une fontaine ensanglantée et un pavillon abandonné

Toi seul peux rendre aux choses leur beauté
Manuel m'a pris tout mon désir, tout mon plaisir, toutes mes envies et tous mes avants. Il est le monstre à deux têtes qui m'a vidée de mon sang. Il est celui qui m'offre des fleurs en 1986, sans raison et sans coeur.

Manuel, j'écris ton nom parce que je ne sais plus qui sont les autres. Tu les as effacés, tu les as éclipsés, tu les as avalés.

Manuel, même à cent ans, le corps en vrac et le coeur tout délavé, je t'en voudrai, je te voudrai, je voudrai...
L'ennui s'est glissé dans la chambre où tu te reposais. Mon corps, sur le mur, se dessinait en ombres chinoises, le drap froissé au pied du lit. Les mots ne se formaient plus et les pensées restaient en suspens. La réalité avait ressurgi, plus cruelle qu'auparavant. Alors, j'ai fermé les yeux.

Clair-obscur

J'ai perdu la raison
Les rythmes se sont ralentis
Les silhouettes se sont glissées dans l'ombre
Les costumes se sont endeuillés

Tu restes mon soleil indélébile
Tu as bu ton désir jusqu'à la lie
Tu l'as consommé dans cet appartement rue de la Gaîté
Sans peur et sans un cri
Tu as perdu patience

Moi je t'aimais